Première piste :
Dans son livre "Avoir été, être cagot" Georges Laplace affirme que l'origine des cagots se situe entre 6000 et 5000 ans avant notre ère. A cette époque, les populations se sédentarisent, mais une partie d'entre elles continue à chasser, à exploiter le bois et son charbon, à travailler ce matériau. A l'écart des paysans des clairières, rebelles à la romanisation et à la christianisation, longtemps fidèles à la langue vascoïde, aux coutumes ancestrales, à la religions aquitaine, ces hommes et ces femmes auraient été rejetés par les différentes civilisations …"
Deuxième piste :
Parias parmi les parias, les Cagots peuvent être comparés aux intouchables indiens.
Ils furent présents dans toute l'Europe au moyen âge ; en Bretagne, dans le Bas-Poitou, en Guyenne, en Gascogne, dans le pays basque, en Navarre et surtout en Béarn.
Les montagnes des Pyrénées, pourtant terres de refuge, où les ségrégations eurent peu de prises, terre des Cathares, furent néanmoins le lieu où le phénomène des Cagots fût le plus appuyé.
Leur origine reste mystérieuse, plusieurs thèses sont évoquées, allant de wisigoths battus par Clovis à Poitiers, aux Sarazins, juifs, cathares, lépreux…Il est cependant probable qu'ils soient les descendants d'un peuple vaincu par les armes.
Le nom même de " cagot " est d'origine incertaine, il peut venir de " cangoth ": les chiens de Ghoth. On retrouve aussi les termes de Gézitain, Chrestians, Gahets, Capots, Agots…
Troisième Piste :
Ceux qui croient que les Pyrénées sont apprivoisées depuis fort longtemps se trompent lourdement. Malgré les recherches et les expéditions tardives du XIXème siècle, appelées communément par ce flot bourgeois en quête d'aventures et de frisson "Le mouvement Pyrénéiste", il faudra attendre le tremblement de terre de 1967 pour qu'enfin le refuge de celle (Pyrène) qui a donné son nom à notre monde soit totalement découvert. Les Pyrénées sont une terre d'effroi aux multiples légendes, avec des dieux mystérieux et terribles, aux appellations d'origine inconnue. Elles recèlent surtout des hommes étranges et solitaires, jaloux de leurs secrets, de leur indépendance et de leur différence.
L'isolement des peuples pyrénéens dans les cellules de leurs vallées défendues des invasions massives par les étroits verrous des gorges a permis aux premiers types humains auxquels ils appartenaient de se maintenir sans changement, au cours des siècles, dans de nombreux refuges montagnards où seule l'émigration contemporaine a commencé à les métisser (Pyrénées Mystérieuses -Tchou).
De ces hommes découle le sombre mystère tardivement appelé à partir du XVIème siècle : "Cagot".
Et mystère, il y a bien! qu'on en juge...
1) - Bien qu'exclus de la communauté chrétienne, ils étaient protégés par l'Eglise.
2) - Ils n'étaient pas soumis aux impôts et taxes.
3) - Ils devaient porter une patte d'oie pour indiquer leur appartenance.
4) - Ils sont présents dans toutes les constructions militaires et religieuses jusqu'au XVIème siècle.
A l'écart du monde
Pour tenter d'expliquer ces particularités nous allons examiner à grands traits quelques repères de leur histoire. Beaucoup d'auteurs ont parlé savamment des cagots en puisant leurs connaissances dans les divers documents ecclésiastiques, parlementaires (Bordeaux, Toulouse, Pau...), chroniques et chansons, mais aucun n'est allé au fond des choses, à savoir, d'où venaient réellement ces cagots. Ce qui perturbe les chercheurs, c'est cette propre volonté (dès l'origine) de rester à l'écart du reste du monde. Ce geste, ou plutôt cette hargne d'être indépendant, fut interprétée par tous, comme une prétendue exclusion sociale proférée par le monde non-cagot. Certes, le terme "Cagot" est devenu un terme péjoratif, et même insultant, mais c'est seulement au XVIIème siècle que cela apparut, époque où l'utilité technique de ces maîtres bâtisseurs n'était plus probante. Cette volonté de rester libre et d'assurer la pérennité de leur clan fait partie du bagage culturel des cagots.
Une origine pré-celtique
Ceux ci sont, sans aucun doute, issus des peuplades aurignaciennes (Civilisation Chasséenne) qui fuirent devant l'invasion celtique en se retranchant dans les montagnes sauvages des Pyrénées et ce, de part et d'autre des deux versants. Plus tard, ils furent en conflit avec les Romains et les Volsques (Tribu gauloise) pour les mines, les points stratégiques et les marchés. Dans cette situation, c'est aisément que Sertorius (Consul espagnol en révolte contre Rome) les rallia à sa cause avec succès contre Rome. Mais Pompée, après quelques revers, fut le vainqueur magistral et dans un trait de génie, diplomatique et économique, usa à leur égard d'une politique de générosité et de clémence.
Au lieu de détruire ces populations ennemies (ou les mettre en esclavage), il les réunit autour de Logdunum Convenarum en divers Pagus. Une collaboration économique et artistique fut entamée. Par ailleurs, grâce à cette coopération nous retrouvons de nos jours les traces des cultes auxquels les romains et les peuples locaux s'adonnaient sur les murs tant intérieurs qu'extérieurs des chapelles, églises etc...
Tolérés par l'Eglise
Avec ce partenariat romain, ils exploitèrent davantage leurs mines et surtout leurs marbreries. Leur technique de construction trouvera son apothéose dans les cathédrales et châteaux forts; leur talent de sculpteurs se développera pour atteindre la perfection qui suscite toujours l'admiration au sein des musées du sud-ouest. Ainsi une ère de prospérité s'entama dans la Pax-Romana, tant et si bien que l'empereur Auguste accorda à cette cité et alentour le droit romain sans toutefois être soumis à l'impôt. Ce point historique fut déterminant; il fixa là définitivement le sort de nos futurs cagots... en effet, cette peuplade non gauloise, jalouse de son indépendance refusa son ``privilège' d'être citoyen romain. De là, aucune charge politique et sociale ne leur furent échues. Nous retrouverons dans les siècles suivants ce rappel constant dans les chroniques du sud-ouest.
Ils continuèrent à collaborer avec Rome et à améliorer leur technique mais ils restaient en dehors du monde Gallo-Romain. Lorsque le christianisme fit son apparition, rien ne changea, puisque celui-ci calqua dans ses premières heures ce droit, qu'il modifia au fur et à mesure de ses besoins, au fil des siècles; c'est sans trop de difficulté que nos cagots ont continué à être ce qu'ils étaient grâce à leurs talents de constructeurs. Non soumis à l'impôt, protégés par l'Eglise, libres et indépendants, leur sort était enviable...
Victimes des jalousies
Il est évident que l'autonomie des cagots dut sous-tendre des jalousies...tant des manants que des bourgeois, que les divers impôts et taxes accablaient (Il serait quand même curieux de comparer le poids de la charge fiscale à cette époque et de nos jours...) On les accusait de façon récurrente d'empoisonner les puits et les animaux... c'était apparemment la coutume à cette époque de proférer de telles accusations .
Tour à tour, on les fit descendre des wisigoths, ou encore des lépreux et la légende qui voulait qu'ils fussent des parias n'a pas lieu d'être, sauf pour une propagande post-révolutionnaire plus soucieuse de justifier ses crimes que de vérité historique. D'ailleurs, il faut souligner que la disparition des cagots est bien l'oeuvre de la Révolution, fière de niveler les différences et les particularismes, dogme qui perdurera jusqu'à nous au travers des Jules Ferry et autres Chevenement.
En tout cas l'aventure cagote aura duré 18 siècles et subsiste encore à travers une formidable légende.
Quatrième piste :
Une thèse récemment développée par Joël Supéry, l'auteur du "Secret de Vikings" leur donne une origine scandinave (Vikings que les textes gascons désignent régulièrement par le vocable Wisigoths!). Après leur défaite en 982, les Vikings sédentarisés depuis 140 ans ne seraient partis nulle part. Ils seraient restés avec des interdictions liées à leur statut passé : interdiction de porter les armes, d'avoir des chevaux ou des chiens, mais aussi interdiction de faire du commerce, art dans lequel les Scandinaves excellaient. Ces descendants de Vikings furent péjorativement appelés "Crestias", car ils avaient une pratique familiale du christianisme (chez les Vikings, comme chez les Protestants, le père faisait l'éducation religieuse de la famille), ce qui n'en faisait pas de vrais chrétiens aux yeux de l'Eglise. Lorsque le pèlerinage de saint Jacques de Compostelle se développe, les Templiers, spécialisés dans le transport maritime des pèlerins vers la Terre Sainte investissent les ports de Gascogne. Ils y découvrent les communautés de "crestias" douées pour le travail du bois et les constructions navales. Ils installent leurs commanderies au sein de ces communautés, les évangélisent et profitent de leur savoir-faire. Lorsque les Templiers sont chassés de France en 1310, les hospitaliers héritent des commanderies templières. Les Hospitaliers développent alors maladreries et léproseries pour accueillir les pèlerins malades et les miséreux. Involontairement, ils mettent un fin au processus d'intégration des "Crestias" qui deviennent des "cagots". Au 16e siècle les interdictions et les brimades se multiplient. Bientôt, les cagots ne sont plus que des "parias", la lie de la société.
Pas le moindre droit
Race maudite à vie, leur condition était mentionnée dès la naissance dans l'acte de baptême, célébré à la nuit tombée, sans carillons. Ils ne portaient pas de nom mais un prénom suivi du terme Chrestiaa, Cagot, Gézitain. Une fois morts ils étaient inhumés à l'écart des " vrais chrétiens ".
Parmi la longue liste des interdits on peut citer : le mariage avec des non cagots, l'exercice de certains métiers en rapport avec l'eau, la terre, le feu, les aliments, porter une arme ou un objet tranchant…À l'origine des ces interdictions on retrouvait la peur de la lèpre dont les cagots étaient tous censés êtres infectés.
Malgré ces interdictions draconiennes, ils peuvent occuper des postes de chirurgiens ou sages-femmes et on leur prête des vertus de guérisseurs. La plupart sont charpentiers, vanniers, tisserands, maçons, parfois réputés et appréciés pour leur travail, d'autant que, généralement, ils ne reçoivent pas de salaire et sont seulement exonérés d'impôt.
Dans certains endroit ils devaient porter une patte de canard ou d'oie d'étoffe rouge cousue sur leurs vêtements.
Ils sont parqués au fond de l'église lors de l'office, ils ont un bénitier distinct, parfois même ils ont une porte spéciale, plus petite, les obligeant à se courber pour entrer.
Ils vivent dans des quartiers spéciaux, souvent en lieu et place d'anciennes léproseries, vont chercher l'eau à des fontaines spéciales.
Malheur à celui qui oublierait sa condition et ses contraintes : en 1741, un cagot maître charpentier de Moumour eut les pieds percés au fer rouge pour avoir voulu cultiver la terre.
Malgré cette disgrâce, ils dépendent directement de l'église et non de la commune (jurat) ou des vicomtes.
Une petite chanson
Bien que considérés plus comme des bêtes que comme des hommes, ils n'en manquaient pas moins d'esprit comme en atteste cette chanson :
Encoère que Cagots siam
Encore que nous soyons Cagots,
Nou nous en dam !
nous ne nous en faisons pas !
Touts em hilho deu pay Adam !
Nous sommes tous fils du père Adam !
Encore que nous soyons Cagots,
Nou nous en dam !
nous ne nous en faisons pas !
Touts em hilho deu pay Adam !
Nous sommes tous fils du père Adam !
Des hommes normaux
En tant qu'êtres maléfiques et nuisibles, on les affuble de toutes sortes de tares ; bien entendu ils dégagent une haleine fétide, ils auraient même les pieds palmés ou les oreilles dépourvues de lobes, ce fait sert aujourd'hui à certains illuminés à affirmer qu'il s'agissait en fait d'extra terrestres!
Plus sérieusement aucun signe particulier ne les distinguait vraiment. Plusieurs témoignages les décrivent blonds aux yeux bleus, ce qui accrédite la thèse d'origines nordiques. Des médecins experts nommés par le parlement de Bordeaux avaient d'ailleurs déclaré que les Cagots étaient tout à fait indemnes de toute atteinte pathologique.
Intégration et disparition
Avec le relâchement de la ségrégation, le sang des Cagots s'est étendu dans la population et beaucoup de béarnais en sont les descendants. Sous Louis XIV, l'emploi de termes discriminatoires à leur égard fut interdit, ce qui n'empêcha pas leur usage détourné. La dernière inhumation mentionnée dans le cimetière des Chrestians date de 1692. Par la suite le terme de Cagot perdura pour désigner bohémien, faux dévot, hypocrite, jusqu'à Molière qui l'employa au XVIIe siècle dans " Tartuffe "
Aujourd'hui, bien qu'appartenant au passé, le souvenir peu glorieux des Cagots est présent dans le Béarn, et ce n'est que depuis peu que les Béarnais se penchent sur cet épisode de leur histoire à travers une exposition permanente au château des Nestes à Arreau.
Quelques faits
733 : Des fugitifs de l'armée du général arabe Abderrahman vaincus à Poitiers, sont réduits par les Campons entre le fleuve Adour et le Prieuré Saint-Paul. Les survivants ont, peut-être, constitué la première colonie des " Cagots ".
1288 : première mention du terme de Cagot.
1580 : Les Cagots, avec l'accord des Consuls et du Recteur, construisent eux-mêmes leur propre chapelle dédiée à Saint Sébastien dans la vallée de campan.
1691 : Violent incendie dans la vallée de Campan. L'église est détruite et sera remise en état, comme en 1597, par les Cagots.
1642 : dernier acte de baptême faisiant état du terme de Cagot.
1692 : dernière inhumation mentionnée dans un cimetière des Chrestians
2002 : première exposition permanente sur les Cagots au château des Nestes à Arreau (64)
Sources :
"Le Grand guide des Pyrénées" aux éditions Milan et Rando-Editions
"Guide des Pyrénées mystérieuses" de Bernard Duhourcau aux éditions Tchou
Luz Saint Sauveur
RépondreSupprimerEn 1266 arrivent des crestias à Bayonne, voir Livre d'Or de la Cathédrale de Bayonne, en 1288 For de Béarn des crestiaas sont dans ce pays etc... Où apparaît le terme "crestia" ? Dans la Bible Cathare de 1250, exemplaire unique qui se trouve à Lyon. Donc les crestias sont des Cathares ! Ils deviendront des Agotes, des Cagots, des Gaffets etc...
RépondreSupprimerVoir mon livre : Cagot Kaskarots Leur Véritable Histoire. Kepa Arburua Olaizola
Cordialement
Je ne vois pas mentionné dans votre étude, qu'en Bourgogne au Moyen-âge, les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle étaient appelés les" Pédauques" signifiant "Patte d'oie " et étaient tous bâtisseurs.
RépondreSupprimerVoir les ouvrages de Henri Vincenot " le pape des escargots " et "les étoiles de Compostelle "